Le CHRV quittera(it) la ville de Verviers ? Est-ce bien raisonnable?

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Malgré de gros investissements avec la construction du nouveau service d’urgence pour plus de 15 millions d’euros en 2015[1], en célébrant fièrement l’histoire d’un site vieux de 150 ans, le Conseil d’administration de l’Hôpital régional de Verviers, le CHRV, semble penser aujourd’hui que les infrastructures existantes ne conviennent plus. Il a donc récemment commandité une étude pour évaluer la meilleure option entre la rénovation des sites de Tourelle et Peltzer, la reconstruction sur site après démolition ou encore la réimplantation en périphérie de la ville de Verviers.

Dans ce cadre, nous voudrions proposer une réflexion sérieuse mais succincte, car il nous apparaît que tant le contexte que les résultats de l’étude ouvrent plus de questions qu’ils n’en résolvent. Cet exercice, sur un sujet aussi complexe que le déménagement d’une grande institution privée mais d’utilité publique comme un CHR est, en soi, une gageure. Mais nous avons pensé que l’époque dans laquelle nous vivons exige plus que jamais d’ouvrir ce type de questionnement.

Nous avons en effet appris que les réponses apportées par le rapport d’étude commandité créent un cadre, apparemment limpide, auquel toute personne saine d’esprit ne pourrait qu’adhérer, en particulier à l’aune des coûts financiers annoncés et des arguments fonctionnels avancés, quoique fort techno-progressistes, en évoquant des « standards » pour « l’hôpital de demain » et une « médecine du futur ». Mais la question que nous nous posons singulièrement est de savoir si le cadre de cette décision intègre intrinsèquement tous les éléments de l’équation. En particulier si nous ouvrons le champ de la réflexion à une approche systémique, qui est notre cœur de métier, et ce bien que la décision soit, a priori, d’ordre privé.

Notre objectif est donc de nous demander ici, si le cadre disponible pour évaluer si le CHR de Verviers doit être rénové, reconstruit ou plutôt réimplanté en périphérie de la Ville – ce qui implique une réaffectation des sites actuels le cas échéant – permet une compréhension systémique de l’enjeu central et de ses conséquences, et donc une décision « la plus objective et raisonnable qui soit » à l’échelle systémique. Plus largement, il s’agit donc sur base d’un exemple de nous questionner sur nos modes de gestion sociétaux de ce type de décisions publiques.

Quoiqu’il en soit et en aucun cas, cet article n’est destiné à accuser quiconque. Il propose simplement d’ouvrir le champ de la réflexion. En cela, il invite certes toute personne en responsabilité à la (re)mise en perspective.

Une des bases de l’approche systémique, une simple réalité, est que nous avons toutes et tous, autant que nous sommes, un cadre de pensée biaisé par de croyances propres et contextuelles. Nos points de vue diffèrent, donc et aussi, selon le point de vue au départ duquel nous observons un enjeu.

« Demandez à un boucher ce que l’on peut faire d’un lapin, il vous proposera du civet ; posez la même question à un magicien, il vous sortira son chapeau ; un écologue quant à lui,  le remettra dans les champs… ». Or l’étude devant éclairer la décision de l’organe d’administration du CHR a été confiée à un groupe international de services immobiliers et un bureau international de conseil comptable, fiscal et financier. Le prisme est clair, et compréhensible. Mais est-il suffisant ?

La base : un cahier des charges et des experts, deux parties. Une vue limitée.

Nous vivons dans un monde complexe. Or tout enjeu complexe est par essence lié à de nombreux autres sujets : c’est un des points de départ de l’approche systémique. Le nier ou l’oublier génère en général de nouveaux problèmes. Les causes et les conséquences face à la complexité sont difficiles à lire et incertaines (d’autant que les liens de causalité ne sont pas nécessairement directs). En particulier parce que nous avons l’habitude de réfléchir en silo, sujet par sujet. Un problème, un point de vue, une solution. En oubliant de considérer que dans la réalité, ce qui se produit dans un silo a des effets dans les silos voisins.

Pour commencer, si le cadre décisionnel proposé par le rapport d’étude pourrait parfois questionner, avec des volets très à charge, avec du tout noir d’un côté et du tout bénéfice de l’autre, il serait inapproprié et injuste de le tenir pour seul responsable. En effet, le cahier des charges (CDC) mandatant cette étude a certainement lui-même restreint l’étude à une analyse technique, immobilière et financière.

Mais est-il prudent de considérer qu’une étude technique et financière, basée entre autres sur des hypothèses et des métadonnées relativement difficiles à objectiver (dans une logique de comparaison et reproduction[2]), et notamment sur un paradigme de croissance et de performance tant des soins que financière, peut, en l’état, fournir un socle suffisant de décision à un organe d’administration ? A priori oui, si on considère que leur responsabilité n’est pas identique à celles de nos élu·e·s, qui doivent tenir compte de la globalité des conséquences de leurs décisions sur les multiples dimensions des territoires. Néanmoins, si cette institution est bel et bien privée et peut-être même libre de ses décisions d’implantation, elle reste d’utilité publique et un choix d’implantation a inévitablement des conséquences complexes qui méritent selon nous une attention.

Notons par ailleurs que d’autres types d’arguments, notamment fonctionnels, ont été détaillés dans le rapport, mais que certains semblent parfois contradictoires et manquer de systématisme. Exemples : l’inconfort des soignants est pointé dans un cas – celui de la reconstruction sur site – mais pas dans celui d’une réimplantation du CHRV, qui impliquerait pourtant d’autres conséquences, comme des changements dans la mobilité des travailleurs ou encore la nécessité décrite par l’étude de réduire les investissements et les charges opérationnelles pour augmenter la marge et rendre le projet viable. Des réalités qui auront inévitablement des impacts sur le confort de ces mêmes soignants. L’inconfort des riverains lui, est, par exemple, pointé négativement dans le cadre des 14 années de travaux nécessaires à une reconstruction sur site, mais pas pour la durée incertaine de la reconversion du site en cas de réimplantation. Etc.

Demandons-nous par exemple quels auraient été les recommandations de l’étude si l’avis d’urbanistes, d’architectes, de sociologues, d’environnementalistes y avaient été intégrés ? Quel aurait été l’avis complémentaire d’un urbaniste sur cette idée, recommandée par le rapport, de déplacer le CHRV en dehors de la ville, le long d’une autoroute, comme un simple zoning industriel ? Cette vision corbuséenne de l’aménagement dans le lequel le territoire est maîtrisé et morcelé a-t-elle effectivement encore sa place au XXIème siècle ? A l’aune des enjeux environnementaux, de mobilité, de population ? N’est-elle pas au contraire le reflet d’un mode de pensée du passé qui mériterait à minima un questionnement ?

Nous pourrions aussi nous demander, à l’aune d’une série de critères, si une décision de relocalisation du CHR en dehors de la Ville les amène, elle et le territoire, à renforcer leur résilience ou si au contraire cela les fragiliserait sur le moyen à long terme ? L’étude ne le dit pas. Le CDC ne le demandait certainement pas. Ce ne serait a priori pas de la responsabilité de l’organe d’administration ? C’est pourtant une question actuelle et essentielle quand il s’agit du centre principal de soin de l’Arrondissement.

Côté personnel soignant, il a semble-t-il été consulté. Comment, sur quels aspects et dans quel cadre, le rapport ne l’expliciterait pas. Ceci paraît pourtant être essentiel, car qui donc connaît mieux la réalité, les difficultés, les besoins, mais peut également exprimer des avis qualitatifs et sensibles sur cet écosystème de vie, sur les liens des deux sites à la ville et aux patients, etc. ? Un tel questionnement, une telle implication, accompagnée pour pouvoir objectiver collectivement les émotions et la raison, l’origine et la structure des avis et des biais, etc., auraient pourtant pu apporter nombre d’éclairages significatifs pour une décision dont nous verrons que les liens sont nombreux. Très pragmatiquement par ailleurs, cela aurait permis d’engager dès le départ un processus de ‘change management’ qui limiterait fort probablement la résistance future et naturelle à tout changement ; laquelle pourrait entraîner, elle aussi, diverses conséquences négatives sur le futur du CHRV, quelle que soit la solution choisie (et imposée) par l’organe d’administration. Le rapport ne fait en tous cas pas état d’une telle démarche.

A l’heure où la participation citoyenne émerge comme une approche de renouveau démocratique, on serait également en droit de se demander quels auraient été les avis de citoyen·ne·s consulté·e·s. Non pas par sondage, mais en explorant la sensibilité sur la complexité de la décision et de ses interconnexions. En particulier, quels seraient les avis des citoyen·ne·s d’une ville en mal de relance et d’attractivité depuis la désindustrialisation, à qui l’on enlèverait l’un de ses derniers points focaux (mentionnés partout sur le territoire comme une raison de se rendre à Verviers), et en soit un des principaux employeurs à l’échelle de l’Arrondissement ?

Le danger de voir un enjeu aussi complexe à travers un seul prisme, externe qui plus est, est évident et interroge le rôle, la capacité et la responsabilité des décideur·se·s en général à se reposer sur des études qui ne permettent pas de dégager des vues globales, systémiques et dynamiques des impacts probables ou potentiels de leurs décisions. La situation qui nous occupe est-elle une réalité isolée ou le reflet d’un problème sociétal plus profond de gestion des décisions en silos, d’ailleurs en totale incompatibilité avec une approche holistique du développement durable ?

Prospective

L’étude se base sur des données statistiques et des tendances. Or cette approche, lorsqu’elle est prise limitativement, cache en réalité une pensée très linéaire et bien ancrée dans notre société : les chiffres et les tendances nous indiqueraient précisément de quoi sera fait l’avenir. Mais est-ce bien comme cela que tout fonctionne ? Singulièrement dans notre époque soumise à des aléas qui génèrent des futurs incertains, ambigus et complexes ? Ne serait-il pas pertinent, pour des décisions de cette ampleur, d’exiger de prendre une autre base de travail, a minima complémentaire ? De construire une prospective large, contextuelle, avec une diversité de regards et d’intérêts, sans viser le compromis rapide, mais pour élever le niveau de complexité et de réflexion ? Ne faudrait-il pas chercher à établir des scénarios de possibles intégrant des incertitudes, sur lesquels nous prendrions alors la responsabilité d’agir pour penser et envisager un futur positif pour le plus grand nombre ? Et alors, en particulier au vu de l’option préférée par le rapport d’étude qui est de déplacer le CHRV vers une zone actuellement agricole, ne devrions-nous pas considérer autant le bénéfice des humains que du vivant qui nous entoure et dont nous dépendons ? Cette prospective ne devrait-elle pas également considérer les générations à venir, dans cinquante ans, cent ans, dans un monde pour le moins encore incertain, et ce notamment sur son modèle énergétique, et donc notamment de mobilité ?

A l’heure de l’effondrement de la biodiversité, est-il notamment bien raisonnable de considérer trop rapidement le devenir de 5 hectares de terre agricole publique, certes sans voisinage pour se plaindre (sans considération pour le « vivant non-humain » bien sûr), car c’est plus « facile à gérer » et moins coûteux ? Les impacts en résilience alimentaire, les impacts écologiques ou hydrologiques d’une nouvelle artificialisation de sols, à l’heure du stop béton, sur une si vaste zone agricole, située en zone de corridor écologique supra-communal et sur les hauteurs du bassin versant sont-ils intégrés ? Ne devrait-on pas d’autant considérer les impacts esthétiques sur le territoire, avec un nouvel effacement du vivant ? Est-ce acceptable ? Est-ce raisonnable ?

Ces différents niveaux de pensée invitent donc au questionnement profond et large. Ils invitent la morale et l’éthique (est-ce bénéfique pour le plus grand nombre, quels sont les impacts de durabilité, etc.), l’esthétique, et même l’amour. Car in fine, où se trouve dans ce rapport, et qui l’a définie, la liste des enjeux de demain dont l’étude parle, et ce que doit être cet « hôpital du futur » et cette médecine moderne ? Qu’en pense le territoire ?

Notre société a construit une logique fragile et pernicieuse dans le fait de confier uniquement à des experts l’étude d’enjeux dont la complexité dépasse le plus souvent leur champ de compétence. Fragile, car il est si simple de voir que de nombreux aspects sont mis sous le tapis, et ce souvent très involontairement du fait même des biais institutionnels, sectoriels et personnels portés naturellement par les experts (sans oublier les CDC qui les mandatent) et en réalité par chacun d’entre-nous. Fragile, car l’argumentaire est nourri de croyances simplistes, séduisantes et souvent peu crédibles. Comme le fait que l’ancien site pourrait simplement abriter de nouveaux logements ou des commerces, que le site de l’hôpital pourrait attirer un écosystème de startups dans un zoning adjacent, comme et parce que cela s’est produit ailleurs. Potentiellement pernicieuse par ailleurs car cette approche génère inévitablement des études parcellaires, sans logique ni cohérence avec d’autres études, précédentes ou portant sur d’autres thèmes pourtant interconnectés, sinon même interdépendants. Pernicieuse aussi car elle permet aux décideur·se·s de s’abriter derrière une logique menée « comme il se doit », et cela sans chercher à savoir si elle est en phase avec ce que les citoyen·ne·s et le territoire attendent ou ont besoin, pour les générations futures.

Un enjeu systémique

Mais in fine, un Grand Hôpital, qu’est-ce que cela représente pour une ville ? Un modèle économique et des parts de marché, une « simple » infrastructure fonctionnelle et financière comme le rapport d’étude le sous-tend ? Une logique de « bonnes pratiques » basées sur des statistiques et des standards répond-elle aux besoins et à l’identité spécifique d’un territoire ? Cette approche, et cette étude donc, intègre-t-elle la diversité des liens et des conséquences d’une telle décision ? Est-ce qu’un hôpital n’est pas en soit le maillon d’un ensemble plus grand et interconnecté pour un territoire, pour une ville ?

Le rapport vend un nouveau site avec un rayonnement sur le centre-ville, avec une crèche, un zoning industriel lié, un incubateur et/ou un hub, le développement d’un centre de compétences, des espaces commerciaux pour le personnel et les visiteurs… des étoiles dans les yeux ! Mais sont-elles réelles, réalistes et réalisables ? Verviers s’est vidé de beaucoup de ses habitants aisés au profit de sa périphérie, de ses commerces, au profit de sa périphérie. Mais le déplacement de l’hôpital devrait lui avoir un « rayonnement » positif sur le centre-ville ? Quels seront les impacts réels si l’hôpital doit en effet offrir tant de nouveaux vecteurs économiques et sociaux extra-muros ? Quels résultats donnerait une évaluation du rôle économique structurant de cet acteur pour la Ville de Verviers ? Celle des impacts économiques pour Verviers, générés par le déplacement de tous ces travailleurs et visiteurs médicaux en dehors du centre-ville ?

Et puis, quels seront les réels devenirs des anciens sites du CHRV ?

On peut lire que les pistes abordées dans l’étude sont en réalité peu enthousiasmantes. Celle proposée avec 720 logements à en moyenne 350.000€ répond-elle par ailleurs à un besoin de marché et une réalité démographique, désirable pour ce quartier en particulier et la Ville en général ? Comment est intégré l’impact collatéral sur les habitants de 5 ans de désinvestissement progressif au CHRV et de 10 ans de commercialisation d’un immobilier flambant neuf ? Quels sont les impacts de la transformation de tels sites dans une dimension urbanistique et esthétique ? Un ensemble d’incertitudes qui semblent être portées pour une grande partie à charge, en travail, en conception et en finances, à une ville déjà soumise à de nombreux défis, à l’Arrondissement ou à la Région, et bien sûr assez logiquement non considérées dans une étude commanditée par uneinstitution privée, certes, et néanmoins d’utilité publique.

On voit donc ici rapidement que ce qui peut sembler être une simple décision rationnelle pour l’organe d’administration d’une institution de ce type présente en réalité des impacts systémiques multiples et non considérés. Cette étude présente d’ailleurs intrinsèquement et notablement ce que l’on appelle des « archétypes systémiques » : des modèles de comportements récurrents qui nous donnent un aperçu des structures qui régissent nos réalités. Ces archétypes sont en soit des modèles de dysfonctionnement systémiques qui se répètent, et qui présentent de nombreux aspects et dimensions. Citons-en brièvement quelques-uns :

  • Le paradoxe de la croissance : si le CHRV croît, quels seront les impacts sur les autres acteurs du soin du territoire et quelle réflexion faudrait-il avoir à un niveau territorial plus large et lié ? À qui de la mener ?
  • L’escalade : « plus grand, plus beau, plus… » : quel recul sur les besoins, quels avis du personnel ou d’autres champs disciplinaires, et de quel hôpital du futur ce territoire-ci a-t-il réellement besoin ? Nous en sommes tous arrivés à aimer le neuf et le « plus », mais est-ce raisonnable et réaliste dans ce XXIème siècle qui commence à parler de sobriété ? Quels sont les impacts écologiques globaux et comparés des trois options, au-delà du seul surcoût énergétique calculé ?
  • Limites à la croissance : il y en a toujours dans les systèmes et on les nie. Verviers est-elle réellement dans une trajectoire d’augmentation de sa population d’au moins 4% sur les 10 prochaines années, et donc capable de remplir 720 nouveaux logements (à ce prix-là) à construire sur les anciens sites ? Et quels impacts cachés cela va-t-il générer, comme par exemples un déplacement d’une partie de la population, un glissement au départ d’autres quartiers qu’il faudra ensuite aussi repenser, une gentrification, etc. ?
  • Transfert de fardeau : la décision va répercuter nombre de coûts et d’incertitudes sur d’autres acteurs non consultés : Ville de Verviers, Arrondissement, Région, routes, TEC, formation, accueil, et bien sûr l’économie de la Ville déjà fort en mal. Quels sont par exemple les impacts sur la mobilité automobile et en commun, ou liés aux besoins connexes en eau et énergie à amener sur le futur site ?
  • Les objectifs s’érodent : pris séparément et technico-financièrement, la décision semble rationnelle. Mais en systémique, on questionne notamment les fonctions des systèmes. Quelles sont les fonctions d’un hôpital comme le CHRV au sein de la Ville et pour le territoire, si on évalue l’ensemble de ses dimensions et échelles ? Qu’est-ce que cela change en termes de fonction(s) (et donc d’objectifs qu’on lui attribue) s’il est intégré ou au contraire extrait de la Ville ?
  • Le mauvais objectif : « l’hôpital du futur » semble nécessiter des réductions de charges et une recherche de performance financière pour viabiliser le modèle financier du projet, ce qui aura des impacts sur les soignants et les soignés… inverses à ceux annoncés par cette idée d’un hôpital moderne et mieux adaptés pour eux ?

Conclusion

Une décision sur le devenir d’un hôpital présente de façon évidente des causalités multiples, en champs et en échelle. Tout le monde en a conscience intuitivement. Mais l’approche considérée comme normale dans notre modèle de gestion actuel, basée sur une forme de délégation des décisions par des études confiées à des experts spécifiques, cache en réalité cette complexité systémique et les conséquences multiples.

Toutes les conséquences d’une décision complexe, impliquant des systèmes socio-techniques et socio-écologiques, ne pourront jamais être connues, ni toutes évitées. Il ne s’agit pas d’être naïfs. Il s’agit néanmoins de les objectiver autant que possible et de les questionner collectivement avec une diversité pertinente de points de vue, d’autant plus que les décisions pourraient avoir des impacts larges et longs. Si ce n’est peut-être pas le rôle de l’organe de gestion de l’hôpital, quoique, alors qui va s’en charger avant que cette décision ne soit validée par toutes les échelles de pouvoirs politiques liées et mise en application ?

Notre réflexion propose donc, en général et en particulier dans le cas du projet du CHRV, de questionner a minima :

  • nos approches sociétales basées sur une délégation de sujets complexes à des études confiées à des experts relativement monothématiques et sans prévoir leur articulation systémique et donc dynamique ;
  • la non-implication de concerné·e·s, comme les soignants et les soignés, les riverains actuels et futurs, humains et non-humains, ainsi que des experts des champs thématiques multiples pourtant liés aux conséquences de la décision. Ceci pour générer une réflexion collective qui dépasse(rait) la cacophonie des croyances et des biais que nous portons toutes et tous, l’aveuglement des solutions toutes faites et préférées par chaque point de vue sur l’enjeu, ou encore le compromis qui par essence descend le niveau de potentiel d’une décision. Ceci aussi pour inviter le futur, les conséquences multiples et complexes, l’incertitude et le décentrage des intérêts premiers et particuliers pour penser et considérer les systèmes (ici les secteurs) plus larges avec lesquels le sujet entre en connexion, en dépendance et en influence dynamique.

Bien plus qu’une simple critique réflexive de l’approche menée par l’organe de gestion du CHRV, cette carte blanche est in fine une invitation plus globale à questionner nos approches, le temps long et la gouvernance des décisions dans une société complexe, en mutation et sous tension.

Nous sommes toujours tentés de croire que demain prolonge le présent. Il nous semble pourtant plus que jamais nécessaire de prendre le temps de se poser autrement les questions pour limiter le désordre que nous semblons répéter aveuglement, et d’apprendre à ménager nos territoires plutôt que de seulement les aménager dans le seul intérêt des humains, ou de critères de performance technique et financière.

Pour TerraLab,

Pierre van Steenberghe – Canopée Design

Vincent Laviolette – Réseau Aliment-Terre de l’arrondissement de Verviers.


[1] https://www.chrverviers.be/news-les_urgences_du_chr_verviers__de_nouveaux_espaces_disponibles_-84.html

[2] Logique des « meilleures pratiques » issues du monde de la gestion et de la consultance, très insuffisante pour aborder la complexité.